Dans la première partie de cette série d’articles à propos de l’apport de l’intelligence artificielle sur l’automatisation des commandes, j’ai développé l’idée d’une automatisation basée sur de l’apprentissage machine et profond, moins exhaustive qu’une automatisation EDI mais beaucoup plus rapide et beaucoup moins chère. Dans cette seconde partie, je vais me concentrer sur les différences conceptuelles, voire philosophiques entre les deux approches et aussi aborder leur possible complémentarité.
EDI et IA: des visions de l’automatisation différentes
A la fin du XXe siècle, l’essor de la bureautique a fait émerger une vision “tout informatique” des échanges commerciaux. Comme son nom l’indique, l’EDI – pour Echanges de Données Informatisées – correspond à cette vision d’un monde structuré, exhaustif et parfait où les données digitales sont transmises entre entreprises de machine à machine, en remplacement des échanges humains à base de documents papier. Pour simplifier leur back office et diminuer leurs coûts, certaines entreprises, principalement celles ayant des rapports de force inégaux dans leurs relations commerciales, ont cherché à appliquer cette vision technique en obligeant leurs clients et fournisseurs à envoyer/recevoir leurs commandes via EDI.
Dans un objectif de rationalisation, d’efficacité mais surtout de contrôle des échanges commerciaux, plusieurs réglementations nationales, principalement en Europe mais aussi dans les autres continents, accompagnent la bascule vers l’Edi. Des législations de facturation électroniques imposent que les factures transitent par des plateformes EDI comme Chorus Pro en France, le SDI (Sistema Di Interscambio) en Italie ou encore la plateforme non-propriétaire Peppol (Pan-European Public Procurement On-Line).
Du côté des commandes, le National Health System (NHS) au Royaume-Uni a lancé une stratégie d’e-procurement via Peppol dès 2014 et en Février 2020, l’Italie été le premier pays à mettre en œuvre une loi obligeant les hôpitaux publics à passer leurs commandes à leurs fournisseurs au format EDI UBL défini par Peppol, via la plateforme gouvernementale NSO (Nodo Smistamento Ordini). Il est donc probable que d’autres pays suivent ce mouvement de commandes électroniques via des plateformes EDI, notamment pour mieux contrôler les dépenses publiques.
Par opposition à la philosophie EDI d’échanges entièrement déshumanisés, celle de l’intelligence artificielle est différente : le principe fondamental étant d’imiter l’intelligence humaine, on imagine plus facilement une collaboration entre les machines et les humains. L’intelligence artificielle aide déjà les humains à accomplir des tâches aussi diverses que se déplacer, détecter une maladie ou saisir des commandes dans un système ERP.
Evidemment, ce n’est pas vraiment ce qui est mis en avant dans les livres et films de science-fiction où l’intelligence artificielle a une forte tendance à rapidement vouloir prendre son indépendance vis-à-vis de ses créateurs, voire carrément aliéner ou exterminer l‘humanité toute entière comme dans Matrix ou Terminator. Mais nous sommes encore très loin d’une intelligence artificielle forte, capable d’apprendre et de comprendre de nouvelles choses par elle même, et donc d’avoir des émotions, voire une conscience. Les intelligences artificielles actuelles sont dites faibles et ne sont finalement qu’un concentré de capacités cognitives humaines sur des domaines extrêmement spécifiques. Pour en revenir à l’automatisation de commandes, ces tâches spécifiques peuvent être l’identification des informations clés dans un document métier, la détection d’une anomalie dans ces informations ou encore des prédictions basées sur une analyse approfondie de données.
Au final, là où l’EDI vise un remplacement complet des interactions humaines, l’IA cherche plutôt à aider les humains et à leur faciliter la tâche.
Une flexibilité nécessaire dans le processus de prise de commandes
Pour prospérer au XXIe siècle, les entreprises doivent être flexibles et adaptables. La relation de fidélité entre un client et son fournisseur est de moins en moins basée sur le prix et la qualité du produit ou service et de plus en plus basée sur l’expérience client. Les clients veulent des fournisseurs avec lesquels il est juste facile de travailler. Ils veulent passer des commandes facilement, sans avoir à se plier à des règles ou formats particuliers. Les clients veulent aussi pouvoir faire des changements dans leurs commandes ou obtenir des conseils et recommandations sur les produits intéressants pour eux. Les échanges entre partenaires commerciaux exigent donc de l’évolutivité, de l’adaptation, voire de l’interprétation.
Cependant, les systèmes EDI issus d’une approche technique manquent fondamentalement d’agilité pour répondre à ces exigences. Après le coût d’implémentation, la maintenance importante liée à la faible capacité d’adaptation est d’ailleurs la seconde raison pour laquelle les échanges interentreprises n’ont pas tous été automatisés en EDI. L’EDI représente maintenant une part importante des échanges de commandes B2B mais bien que la technologie existe depuis longtemps, elle ne s’est pas imposée partout et l’augmentation du pourcentage de commandes EDI reste limitée.
De l’IA pour améliorer les échanges EDI ?
L’EDI a parfaitement sa place dans l’automatisation des flux de commandes et l’IA n’a pas pour vocation de remplacer ces échanges informatisés. Elle peut par contre pallier aux déficiences de l’EDI et redonner de l’agilité à un processus informatisé mais rigide. Comme pour les commandes envoyées par fax ou e-mail, L’IA ajoute une couche d’intelligence sur la couche de transport EDI. Par exemple, elle peut détecter automatiquement des anomalies en se basant sur l’historique de commandes d’un client et empêcher qu’une commande avec des quantités inhabituelles et potentiellement incorrectes ne soit créée automatiquement dans le système ERP et donc au final livrée sans vérification humaine. Une erreur de quantité ou d’unité de mesure peut avoir des impacts importants pour le fournisseur entre le retour de la marchandise, voire sa destruction si elle est périssable, la génération d’un avoir pour le client, et potentiellement la dégradation d’une relation commerciale de confiance.
Mais l’IA permet aussi de résoudre un problème récurrent en EDI lié aux références des produits: en EDI standard, le système EDI des clients doit toujours être à jour par rapport aux références des articles des fournisseurs et dès qu’un catalogue fournisseur change, les données de références doivent être mises à jour, par EDI ou avec des étapes plus manuelles menées par l’informatique interne. Un système intelligent permet de visualiser les commandes EDI en erreur pour cause de références produits incorrectes dans un format compréhensible par l’utilisateur – et pas uniquement la machine, et les représentants du service client en charge du traitement des commandes peuvent facilement corriger les références, comme ils le feraient sur des commandes fax ou e-mail.
Au delà d’apporter de l’autonomie aux utilisateurs métier, l’apprentissage machine peut identifier ces corrections de façon transparente et les appliquer automatiquement aux futures commandes de ce client, toujours dans l’objectif de diminuer la part de travail manuel et répétitif. Dans un processus uniquement EDI, l’humain doit s’adapter au langage informatique pour traiter les exceptions, alors qu’avec l’IA, c’est l’informatique qui s’adapte au langage humain, au bénéfice des utilisateurs métiers en charge du traitement des commandes.
EDI + IA = efficacité + flexibilité ?
L’IA permet d’enrichir un processus de commandes EDI en ajoutant une surcouche fonctionnelle pour accélérer et faciliter le traitement des commandes, tout en offrant une visibilité totale aux utilisateurs métier sur toutes les commandes, quelle que soit leur source (e-mail, fax, EDI, portail, etc.).
Au delà de cette transparence, ces utilisateurs bénéficient aussi de la flexibilité d’une plateforme laissant de la place à leur intelligence humaine pour gérer les cas particuliers et s’adapter au changement, par opposition à un processus EDI entièrement automatisé mais purement informatique et sans marge de manœuvre. En redonnant de la visibilité et de l’agilité à une technologie opaque et inflexible, l’IA remet l’humain au cœur des échanges inter-entreprises et offre même un avantage compétitif en améliorant l’expérience client.
Pour en découvrir davantage sur ce sujet, vous pouvez consulter:
- Digitalisation des commandes clients : La clé d’un cycle Order-to-Cash performant
- Digitalisation des commandes clients – Réception via canal EDI –
Aurélien est le chef de produit Order-to-Cash au sein d’Esker.